Pourquoi ce sujet « allaitement et reprise du travail » ? A l’occasion de la Semaine Mondiale de l’Allaitement, il est important pour moi de vous parler de ce sujet. Il m’a touché sur le plan personnel et il me touche actuellement sur le plan professionnel. Le thème de la SMAM 2023 est donc permettre l’allaitement : agir en faveur des parents qui travaillent. C’est ce thème qui m’a inspiré cet article, entre autres.
J’ai donc choisi d’aborder le sous thème de l’allaitement corrélé à la reprise du travail. L’Organisation Mondiale de la Santé recommande un allaitement exclusif jusqu’à l’âge de 6 mois et la poursuite de l’allaitement jusqu’à 2 ans et plus. Mais comment concilier cette recommandation avec la reprise du travail ? Vous avez surement déjà entendu des idées reçues qui vous font douter. Je vous propose d’apporter un peu de lumière autour de cela.
Idée reçue #1 : « Je vais devoir sevrer mon bébé »
J’ai malheureusement beaucoup entendu cette phrase dans ma pratique ! Mais je vais vous dire quelque chose : c’est totalement faux. Il est tout à fait possible de continuer à allaiter même après la reprise du travail. Vos forces : organisation et soutien. Selon l’Agence Nationale de Santé Publique française, la reprise du travail n’est en aucun cas une contrainte à l’allaitement. Au contraire, il est recommandé d’encourager la poursuite de l’allaitement même après la reprise du travail pour le bien-être de l’enfant et de la mère. Pour cela, l’expression du lait maternel pendant les heures de travail est une option à envisager. Cela permettra à votre bébé de continuer à bénéficier de votre lait même en votre absence. Vous pouvez également allaiter votre bébé avant de partir au travail et à votre retour à la maison. Et rassurez-vous, la loi est de votre côté ! Nous y reviendrons dans les paragraphes suivants.
Idée reçue #2 : » Allaiter va nuire à ma productivité au travail «
Lorsque l’on pense à la reprise du travail et à l’allaitement, cette idée reçue est souvent présente. Mais laissez-moi vous rassurer : allaiter ne signifie pas automatiquement être moins productive au travail. Au contraire, des études montrent que les mères qui allaitent ont généralement moins d’absences au travail car leurs bébés sont souvent en meilleure santé. Cela dit, il est vrai que l’allaitement requiert du temps, et que les pauses pour exprimer le lait peuvent être perçues comme des interruptions. Cependant, ce temps est compensé par le fait que vous êtes moins susceptible d’avoir besoin de prendre des jours de congé pour soigner un bébé malade. A bon entendeur !
- Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’allaitement maternel exclusif pendant les six premiers mois de la vie offre de nombreux avantages pour la santé du nourrisson. Il est associé à une diminution du risque d’infections gastro-intestinales, respiratoires, d’otites moyennes, d’asthme, d’eczéma, et même de mort subite du nourrisson
- Une étude de 2016 publiée dans la revue Pediatrics a montré que pour chaque mois supplémentaire d’allaitement maternel exclusif, le nombre de jours de travail perdus par la mère était réduit de plus de 10%
Idée reçue #3 : » Il n’est pas professionnel d’exprimer son lait sur son lieu de travail «
J’ai envie de vous dire : mais quel rapport ??? Le professionnalisme ne se définit pas par l’endroit où vous choisissez d’exprimer votre lait. Être une professionnelle et être une mère qui allaite ne sont pas des rôles opposés. Vous pouvez être les deux (s’il s’agit de votre choix). Votre capacité à allaiter et à exprimer votre lait n’a pas d’impact sur votre compétence, votre dévouement ou votre performance au travail. De plus, il est tout à fait normal et humain de prendre soin de vos besoins physiologiques et de ceux de votre enfant pendant votre temps de travail. Il n’y a rien d’antiprofessionnel à être une mère qui allaite. Alors mesdames, ne laissez pas ce genre d’idées reçues vous décourager.
Idée reçue #4 : » Ma production de lait va diminuer si je travaille »
Cette inquiétude est présente chez quasiment toutes les mamans pendant leur allaitement en vue de la reprise du travail. La pensée de ne pas pouvoir produire assez de lait peut être stressante. Après tout, vous voulez ce qu’il y a de mieux pour votre bébé … Mais rassurez-vous, mesdames, la reprise du travail ne signifie pas nécessairement une baisse de votre production de lait. Tout d’abord, la production de lait fonctionne sur le principe de l’offre et la demande. Donc plus vous allaitez ou exprimez votre lait, plus vous en produisez. Même en reprenant le travail, si vous continuez à exprimer votre lait régulièrement, votre corps devrait continuer à produire suffisamment de lait pour votre bébé. Il est possible que votre production de lait change avec le temps et s’adapte aux besoins de votre bébé. Cela ne signifie pas que vous ne produisez pas suffisamment de lait. Simplement que votre corps s’adapte aux besoins de votre bébé.
Idée reçue #5 : « Mon bébé refusera le sein après avoir pris le biberon «
Beaucoup de mamans craignent que leur bébé, une fois « habitué » au biberon, ne veuille plus du sein. Je comprends cette peur. Je tiens néanmoins à vous rassurer : il est tout à fait possible de combiner allaitement et biberon ! Le secret réside dans l’introduction du biberon de manière progressive et respectueuse. Un bébé qui est habitué à téter au sein aura besoin de temps pour s’adapter au biberon. Cela demande une technique de succion différente. Il est donc recommandé d’introduire le biberon « en douceur », en commençant par un biberon de temps en temps, pour permettre à votre bébé de se familiariser avec cette nouvelle façon de se nourrir.
De plus, il est important de noter que tous les biberons ne sont pas identiques. Certains sont spécifiquement conçus pour les bébés allaités, avec une tétine qui imite la forme et la texture du mamelon. Ces biberons sont sensé aider à faciliter la transition entre le sein et le biberon. Je ne sais pas trop quoi, en penser … Peut-être qu’ils aident certains bébés ? Portez surtout attention particulière au « débit » du biberon. L’idéal serait de tenir le biberon à l’horizontal, le bout de la tétine est rempli mais pas le reste.
Enfin, chaque bébé est unique et est susceptible de réagir différemment. Si votre bébé refuse le biberon, ne vous découragez pas. Il peut être utile de faire donner le biberon par une autre personne que vous, de changer de position ou d’essayer à un autre moment de la journée. Si vous rencontrez des difficultés, n’hésitez pas à consulter un/une professionnelle formée au soutien à l’allaitement ou une consultante en lactation. Si vous avez tout essayé, des alternatives existent :
- La tasse, le verre ou le gobelet
- La seringue,
- Le flow cup,
- Le biberon-cuillère,
- Le Flow-spoon (ou cuillère).
Idée reçue #6 : » Exprimer son lait est trop compliqué et prend trop de temps «
Trop compliqué ? Je suis sûre que chaque femme qui lira cet article fait des choses beaucoup plus complexes dans son quotidien. Je vous rassure, une fois que vous avez pris le coup, exprimer son lait devient une routine comme une autre. Par contre effectivement, cela demande une certaine organisation, mais avec quelques astuces, cela peut devenir très gérable. Voici quelques points que je vous recommande de prendre en compte :
- Le choix du tire-lait : Un bon tire-lait est un outil indispensable pour l’expression du lait. Le choix dépend de la fréquence à laquelle vous comptez l’utiliser et de votre confort personnel. Il existe différents modèles, des simples et des doubles pompages. Le choix de la taille de la téterelle est également très important.
- Apprendre à utiliser le tire-lait : Commencez à utiliser le tire-lait quelques semaines avant la reprise du travail, afin de vous habituer à son utilisation.
- Connaître ses droits : Je vous en parle un peu plus bas …
- Connaitre les conditions de conservation du lait maternel
- Nettoyage du matériel : bien nettoyer le tire-lait après chaque utilisation évitera la prolifération des bactéries. La plupart des modèles sont faciles à démonter et peuvent être nettoyés au lave-vaisselle ou à la main avec de l’eau chaude savonneuse.
Idée reçue #7 : » L’allaitement va nuire à ma carrière «
Ou sous-entendu : « Mon employeur ne me permettra pas de prendre des pauses pour allaiter et/ou exprimer mon lait ». Il est courant de ressentir une certaine anxiété quant à la manière dont la poursuite de l’allaitement pourrait affecter votre travail ou sa reprise. Cette crainte est naturelle, surtout dans un monde où la vie professionnelle et personnelle semble souvent en conflit. Cependant, allaiter ne signifie pas renoncer sa carrière.
Commençons par parler des faits. En France, la loi protège les droits des mères qui allaitent. Le Code du travail stipule que vous avez droit à une heure par jour pour allaiter ou exprimer votre lait pendant les heures de travail. Cette heure peut être fractionnée en deux pauses de 30 minutes, généralement une le matin et une l’après-midi. De plus, votre employeur est tenu de mettre à votre disposition un local dédié pour vous permettre d’allaiter ou d’exprimer votre lait. Ces droits sont garantis jusqu’au premier anniversaire de votre enfant.
Il est essentiel de bien communiquer avec votre employeur et vos collègues à propos de vos intentions d’allaiter à lors de votre reprise du travail. De plus, le temps de l’allaitement est une période temporaire dans votre vie et votre carrière. En revanche, les bénéfices de votre lait pour votre bébé sont inestimables et durables. Enfin, comme expliqué ci-dessus, les employeurs aussi bénéficient de l’allaitement. Les mères qui allaitent ont tendance à prendre moins de congés pour cause de maladie de l’enfant, car l’allaitement renforce le système immunitaire du bébé.
Sources : Code du travail, Article L1225-30. Code du travail, Article R4152-15.
Idée reçue #8 : » Epuisée, je serai incapable de travailler correctement «
La maternité est, en soi, un travail à plein temps. Comme je le dis souvent aux mamans que j’accompagne, allaiter c’est un don de soi. Cependant, l’idée que l’allaitement puisse vous épuiser au point de ne pas pouvoir travailler correctement peut-être une idée reçue. Je ne parle pas bien sûr des contextes particuliers de naissance ou de pathologies maternelles.
D’une part, l’allaitement a des bénéfices émotionnels et physiques pour la mère. Il libère des hormones, notamment l’ocytocine et la prolactine, qui aident à réduire le stress et favorisent le bien-être émotionnel. Ces hormones aident également à faciliter le sommeil, malgré les réveils nocturnes. Une maman qui allaite se rendormira plus vite. Par ailleurs, la lactation contribue à la récupération post-partum en aidant l’utérus à retrouver sa taille initiale plus rapidement.
D’autre part, l’allaitement est pratique et économique. Pas besoin de préparer les biberons en pleine nuit ou de se soucier de l’achat des biberons et des bouteilles d’eau. De plus, le lait maternel est toujours à la bonne température et prêt à être consommé ! Comme mentionné ci en-haut, cela demande de l’organisation mais beaucoup de mamans le font.
Prendre soin de vous-même est également très important : portez attention à votre alimentation, votre hydratation, votre repos…. D’ailleurs je vous invite à lire mon article : 5 astuces pour prendre soin de soi (AUSSI) en étant parent. Vous y trouverez des ressources.
Idée reçue #9 : « Je ne pourrais jamais répondre aux besoins de mon bébé en lait lorsque je serai au travail «
Nombreuses sont les mères qui se posent cette question. L’incertitude de pouvoir maintenir une production de lait suffisante peut être stressante. Pourtant, il est important de savoir que votre corps est incroyablement bien adapté à répondre aux besoins de votre bébé. La production de lait suit un principe simple : plus le sein est stimulé, plus le lait est produit. C’est ce qu’on appelle la loi de l’offre et de la demande. Ainsi, le fait d’exprimer votre lait régulièrement pendant votre absence va stimuler sa production.
La Leche League, une organisation internationale reconnue, recommande d’exprimer votre lait environ toutes les trois heures si vous travaillez à temps plein. Vous pouvez commencer à tirer votre lait quelques semaines avant la reprise du travail, afin de vous familiariser avec le tire-lait, l’organisation qu’il y autour etc … Bref de mettre en place une routine. L’idée est également de créer un « stock » de lait que vous pourrez laisser à la personne qui s’occupera de votre bébé pendant votre absence. Vous pouvez le congeler.
Les tire-laits électriques double pompage sont souvent recommandés pour les mères qui reprennent le travail car ils permettent de tirer le lait des deux seins en même temps, ce qui fait gagner du temps et stimule davantage la production de lait. Vous pouvez aussi tirer votre lait lorsque bébé est au sein
Idée reçue #10 : » Je ne peux pas allaiter si mon travail est stressant «
Il est vrai que le stress peut parfois affecter la production de lait. Notez que cette réaction est différente pour chaque femme et que beaucoup sont capables d’allaiter avec succès même dans des conditions stressantes. Le stress peut affecter la quantité de lait produite et même retarder la montée de lait après l’accouchement. Cependant, le stress n’empêche généralement pas la lactation une fois que celle-ci est bien établie. De plus, il a été démontré que le fait de nourrir votre bébé, que ce soit directement au sein ou en exprimant votre lait, peut aider à réduire le stress grâce à la libération d’hormones comme l’ocytocine.
Si vous vous inquiétez de l’impact de votre travail sur votre capacité à allaiter, pourquoi ne pas identifier des stratégies aidantes pour vous ? aménagements horaires ? mise à disposition d’un lieu privé pour exprimer votre lait ? une personne ressource ? De plus, il existe des techniques de gestion du stress comme la relaxation, la méditation, le yoga ou encore l’activité physique, l’hypnose qui peuvent vous aider à gérer le stress au quotidien. Pourquoi ne pas les intégrer à votre routine ?
Conclusion
Reprendre le travail tout en continuant à allaiter peut sembler être un défi, mais sachez que c’est tout à fait réalisable, de nombreuses femmes le font avec succès. Pourquoi pas vous ? La loi vous soutient dans cette démarche et votre employeur a des obligations envers vous en tant que mère qui allaite.
Chaque idée reçue déconstruite aujourd’hui a été largement diffusée et peut faire douter de nombreuses mères. Cependant, il est essentiel de comprendre que ces idées reçues ne sont pas fondées sur des preuves scientifiques. Au contraire, de nombreuses études montrent que l’allaitement a de nombreux avantages tant pour la mère que pour l’enfant et qu’il est tout à fait possible de poursuivre l’allaitement après la reprise du travail.
Si vous rencontrez des difficultés ou si vous avez des questions, sentez-vous libre de demander de l’aide. Des ressources sont disponibles, que ce soit auprès de professionnels de santé, de groupes de soutien à l’allaitement comme La Leche League… Le plus important est de faire le choix qui vous convient à vous et à votre enfant. Que vous décidiez de poursuivre votre allaitement ou non … Je tenais à dire un grand Bravo à vous, mamans qui allaitez et qui travaillez ! Vous pouvez être fières de vous ! Sentez-vous libre de me faire part de votre expérience dans les commentaires !
super article ! personnellement, j’avais tenté de garder l’allaitement en reprenant le travail mais j’avais des horaires irréguliers et était en déplacement souvent et ca c’est transformé en galère…. Mais j’ai beaucoup de copine qui ont réussi à gérer comme des chefs !
Je suis sûre que tu a fais au mieux pour ton bébé et c’est super ! Peut-être un accompagnement t’aurait permis de poursuivre ton allaitement ou alors c’était peut-être simplement ton choix ? Certaines mamans ressentent le besoin de « passer à autre » à un moment … Merci pour ton commentaire