C’est bientôt l’heure du diner. Le temps de la préparation de celui-ci, vous proposez un ou deux épisodes de son dessin-animé préféré à votre enfant. Devant les écrans, votre enfant est comme accro, captivé et vous savez que vous serez tranquille pour souffler après votre journée de travail, tout en préparant le repas. Le repas est prêt, vous prévenez votre enfant qu’il est l’heure de passer à table. Et là, c’est le drame. Pardon pour cette caricature qui manque peut-être de finesse. Mais quel parent n’a jamais vécu cette situation ?
Malgré vos multiples appels, votre petit semble rivé à l’écran, complètement absorbé par les aventures colorées de ses héros préférés. La tentation de céder à la facilité, de le laisser finir son épisode pendant que le dîner refroidit, est grande. Après tout, quelques minutes de plus ne feraient pas de mal, n’est-ce pas ?
Mais vous vous arrêtez, et vous vous posez la question : mon enfant est-il en train de devenir accro aux écrans ? Devrais-je m’inquiéter de cette fascination hypnotique qu’il éprouve envers le petit écran ? Comment pourrais-je gérer cette situation sans finir chaque soir dans le chaos et les cris ?
Si vous vous êtes déjà posé ces questions, sachez que vous n’êtes pas seul. De nombreux parents à travers le monde partagent vos préoccupations. C’est pourquoi dans cet article, je vous propose d’explorer ensemble les enjeux liés à l’utilisation des écrans par les enfants. Car, même si le défi peut paraître de taille, il existe des solutions et des ressources pour vous aider à naviguer dans cette ère numérique avec sérénité et efficacité.
I. Comprendre l’addiction aux écrans
L’addiction aux écrans chez les enfants est un sujet de préoccupation croissante. Pour y remédier efficacement, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette addiction.
1. Mécanismes psychologiques et physiologiques de l’addiction aux écrans
Selon l’American Academy of Pediatrics (AAP), les écrans peuvent être addictifs en raison de leur capacité à déclencher la libération de dopamine, un neurotransmetteur lié au plaisir et à la récompense dans le cerveau (1). Les jeux vidéo, les réseaux sociaux et d’autres contenus numériques sont souvent conçus pour être hautement engageants et pour encourager l’utilisation répétée, ce qui peut conduire à un comportement compulsif similaire à d’autres formes d’addiction.
2. Statistiques et études sur l’addiction aux écrans chez les enfants
Une étude publiée dans la revue JAMA Pediatrics a constaté qu’une utilisation excessive des écrans peut être associée à un risque accru de problèmes de comportement, d’attention et de sommeil chez les enfants (2). Une autre étude, publiée dans le journal Child Development, a souligné que les enfants qui passent beaucoup de temps devant les écrans sont moins capables de lire les émotions humaines (3). Autrement dit, ils seraient moins emphatiques ?
3. Signes d’une addiction aux écrans
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les signes d’une addiction potentielle aux écrans peuvent inclure un manque de contrôle sur l’utilisation des écrans, une priorité donnée à l’utilisation des écrans sur d’autres activités, et la continuation ou l’escalade de l’utilisation des écrans malgré des conséquences négatives (4). Voici quelques signes à surveiller :
- Difficulté de déconnexion : mon enfant éprouve des difficultés à arrêter d’utiliser les appareils électroniques.
- Manque de diversité : l’intérêt de mon enfant semble se limiter uniquement aux activités liées aux appareils électroniques.
- Focalisation excessive : mon enfant semble constamment préoccupé par les appareils électroniques.
- Impact social et familial : l’utilisation extensive des appareils électroniques par mon enfant perturbe les activités familiales.
- Conflits familiaux : l’usage des appareils électroniques par mon enfant provoque des tensions au sein de la famille.
- Signes de frustration : mon enfant manifeste une certaine frustration lorsqu’il n’a plus accès aux appareils électroniques.
- Augmentation de l’usage : mon enfant semble vouloir passer de plus en plus de temps sur les appareils électroniques.
- Usage « clandestin » : mon enfant utilise les appareils électroniques en secret.
- » Refuge numérique » : lors d’une journée difficile, semblerait que seul le temps passé devant un écran puisse améliorer l’humeur de mon enfant.
Références :
- American Academy of Pediatrics. (2016). Children and Media Tips from the American Academy of Pediatrics. Retrieved from https://www.aap.org/en-us/about-the-aap/aap-press-room/news-features-and-safety-tips/Pages/Children-and-Media-Tips.aspx
- Radesky, J.S., Schumacher, J., Zuckerman, B. (2015). Mobile and Interactive Media Use by Young Children: The Good, the Bad, and the Unknown. JAMA Pediatrics, 169(1), 66–71.
- Uhls, Y.T., Michikyan, M., Morris, J., et al. (2014). Five days at outdoor education camp without screens improves preteen skills with nonverbal emotion cues. Computers in Human Behavior, 39, 387–392.
- World Health Organization. (2019). Guidelines on physical activity, sedentary behaviour and sleep for children under 5 years of age. Retrieved from https://www.who.int/publications/i/item/1550-5277
II. Les conséquences de l’addiction aux écrans
L’addiction aux écrans peut avoir de multiples conséquences, à la fois sur la santé physique et mentale des enfants, mais aussi sur leur développement social, cognitif et émotionnel.
1. Impacts sur la santé physique
Selon une étude publiée dans le journal Lancet Child & Adolescent Health, une utilisation excessive des écrans peut être associée à un risque accru d’obésité chez les enfants (1). De plus, une revue systématique publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) a mis en évidence une corrélation entre le temps d’écran et des troubles du sommeil (2).
2. Conséquences sur le développement mental et cognitif de l’enfant
Une étude publiée dans le JAMA a également montré que l’utilisation excessive des écrans peut être associée à des retards de développement cognitif chez les jeunes enfants (3). De plus, une autre étude de l’American Journal of Epidemiology a souligné que l’utilisation excessive des écrans pourrait être associée à un risque accru de troubles de l’attention chez les enfants (4).
3. Impacts sur le développement social et émotionnel de l’enfant
Selon une étude publiée dans le journal Computers in Human Behavior, les enfants qui passent beaucoup de temps devant les écrans sont moins capables de lire les émotions humaines, ce qui peut avoir des conséquences sur leur développement social et émotionnel (5).
Références :
- Stiglic, N., & Viner, R. M. (2019). Effects of screentime on the health and well-being of children and adolescents: a systematic review of reviews. BMJ Open, 9(1).
- Hale, L., & Guan, S. (2015). Screen time and sleep among school-aged children and adolescents: A systematic literature review. Sleep Medicine Reviews, 21, 50–58.
- Madigan, S., Browne, D., Racine, N., Mori, C., & Tough, S. (2019). Association Between Screen Time and Children’s Performance on a Developmental Screening Test. JAMA Pediatrics, 173(3), 244–250.
- Swing, E. L., Gentile, D. A., Anderson, C. A., & Walsh, D. A. (2010). Television and Video Game Exposure and the Development of Attention Problems. Pediatrics, 126(2), 214-221.
- Uhls, Y. T., Michikyan, M., Morris, J., et al. (2014). Five days at outdoor education camp without screens improves preteen skills with nonverbal emotion cues. Computers in Human Behavior, 39, 387–392.
III. Comment intervenir face à une addiction aux écrans
1. Les premiers pas : dialogue, observation, évaluation de l’usage des écrans
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) recommande de dialoguer avec les enfants sur leur utilisation des écrans, d’observer leurs habitudes et de comprendre leur relation avec les écrans. Il est également suggéré de mettre en place un cadre clair concernant l’utilisation des écrans, avec des règles adaptées à l’âge et aux besoins de l’enfant (1).
2. Stratégies d’intervention : établissement de limites, routines saines, alternatives aux écrans
L’ANSES suggère également d’établir des routines saines (comme le sommeil et l’activité physique) et de proposer des alternatives aux écrans (2). L’établissement de limites claires et cohérentes est crucial pour une gestion saine du temps d’écran.
• Nous savons combien il est important d’être un modèle pour nos enfants. Alors, pourquoi ne pas favoriser un environnement plus serein et propice aux échanges en évitant de laisser la télévision allumée en permanence ? Cela pourrait vraiment aider à une communication plus riche au sein de la famille.
• Nous pourrions aussi envisager de remplacer le temps passé devant les écrans par d’autres activités stimulantes, comme des jeux facilement accessibles et situés dans les pièces où nous passons le plus de temps ensemble en tant que famille.
• Prenons le temps de créer une boîte d’activités de secours, remplie de jouets et d’activités diverses. Celle-ci pourrait être une vraie bouée de sauvetage lorsque nous, parents, avons besoin d’un moment pour nous. Ou alors pourquoi ne pas créer la boite à « je m’ennui » ? Si votre enfant est déjà lecteur, sur des petits carrés de papier, inscrivez avec lui le nom de plusieurs activité qu’il apprécie faire . Puis disposez-les dans un bocal. Quand votre enfant s’ennuie, il pioche une activité au hasard dans le bocal.
• Il existe des alternatives technologiques à la fois éducatives et divertissantes, comme les livres audio, la boîte à histoires, le stylo Tiptoi de Ravensburger, et les bandes dessinées sans texte. Ces outils peuvent être d’excellents substituts aux écrans.
• Pourquoi ne pas instaurer un contrôle du temps passé devant les écrans grâce à un système de tickets que notre enfant pourrait gérer lui-même. Cela pourrait l’aider à se responsabiliser et à prendre conscience du temps qu’il passe devant les écrans.
3. L’importance de l’accompagnement psychologique et/ou médical si nécessaire
Dans certains cas, une intervention professionnelle peut être nécessaire. Les professionnels de santé peuvent aider à mettre en place des stratégies d’intervention et à suivre l’évolution de l’enfant. Des associations comme e-Enfance proposent également du soutien et des conseils pour les parents (3).
4. Quelques ressources
- l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) qui propose des conseils et des ressources pour gérer le temps d’écran des enfants (4)
- l’association e-Enfance, qui propose un numéro d’aide (Net Ecoute 0800 200 000) pour les parents et les enfants confrontés à des problèmes liés à l’usage des écrans et d’internet (3).
Références :
- ANSES. (2019). Exposition aux écrans : l’Anses appelle à la vigilance.
- ANSES. (2019). Avis de l’Anses relatif à l’actualisation des repères relatifs aux modes de vie favorables à la santé dans la cadre de la stratégie nationale de santé.
- e-Enfance. (n.d.). Prévenir l’addiction aux jeux vidéo.
- UNAF. (n.d.). Les écrans, les médias et nous… Parents, enfants, grands-parents : comment en faire bon usage ?
Conclusion
Dans notre ère numérique, l’usage des écrans par nos enfants est devenu une réalité incontournable. Les écrans font partie intégrante de leur quotidien. Les parents se trouvent ainsi face à un défi majeur : comment permettre à leurs enfants de tirer profit des opportunités offertes par le numérique, tout en veillant à leur santé et à leur bien-être ?
Il est essentiel de comprendre que chaque enfant est unique et qu’il n’existe pas de solution universelle. Le dialogue, l’observation et la compréhension des comportements de l’enfant sont des étapes clés pour établir un équilibre sain et adapté.
Soyez rassurés, vous n’êtes pas seuls dans cette aventure. De nombreuses ressources et experts sont à votre disposition pour vous accompagner et vous conseiller. Les défis posés par l’usage des écrans ne sont pas insurmontables. Avec de la patience, de la bienveillance et de la persévérance, il est tout à fait possible de gérer de manière saine l’usage des écrans par vos enfants.
Rappelez-vous : le plus important est de maintenir un dialogue ouvert avec vos enfants, d’instaurer des limites claires et cohérentes et de proposer des alternatives. Et n’oubliez pas que la technologie est là pour nous servir, et non l’inverse.
Enfin, souvenez-vous que vous êtes le premier modèle de vos enfants. Votre relation avec les écrans influence fortement leur propre comportement. En montrant l’exemple, en faisant preuve de modération et de discernement dans votre propre usage des écrans, vous les aider à développer une relation saine avec ces outils.
Nous vivons une époque de changements rapides et parfois déroutants, mais en restant informés, attentifs et bienveillants, nous pouvons aider nos enfants à naviguer dans ce monde numérique, à en tirer le meilleur parti tout en se protégeant.
Je retiens le système de ticket temps ainsi que la boîte je m’ennuie… à tester… merci pour cet article.
Merci pour cet article. Effectivement on est sur une génération « écran », le modèle en tant que parent joue énormément. Le système temps me plait beaucoup pour les rendre autonome.
avec plaisir Patricia, et oui parfois pour aider nos enfants, avoir une réflexion sur notre propre consommation peut-être constructive 🙂
avec plaisir ! la boite à « je m’ennui » est vraiment utile dans l’anticipation de la situation et cela ajoute un coté ludique 🙂